« Nous avons rencontré à chaque fois des personnes épuisées mais dignes, très discrètes et reconnaissantes d’être accueillies ici », confient Karine Mintoff, psychologue, et Mélanie Hermand, infirmière, membres permanents de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique (CUMP) départementale renforcée. Suite à la guerre avec la Russie, les réfugiés ukrainiens affluent sur le sol marnais.
Portée par l’Établissement Public de Santé Mentale (EPSM) de la Marne, la CUMP 51 a été mobilisée dès l’arrivée du premier bus venant d’Ukraine le 14 mars 2022, au Centre social et culturel Émile Schmit de Châlons-en-Champagne. À son bord, 52 personnes, essentiellement des femmes, enfants-adolescents et des personnes âgées. L’accueil était coordonné par la Préfecture de la Marne.
« La CUMP 51 était chargée de mener une première évaluation globale des réfugiés, d’observer et de repérer les personnes qui présentaient des risques de traumatismes psychiques, et d’effectuer des consultations en urgence si besoin », expliquent Karine Mintoff et Mélanie Hermand, repérables avec leur chasuble. Pendant que ces personnes ayant fui leur pays d’origine se restauraient ou se reposaient un peu, elles surveillaient particulièrement les états d’agitation ou de sidération. « Nous avons également mené un travail de sensibilisation auprès des déplacés, accompagnants et organisateurs sur les signes pouvant indiquer un traumatisme », poursuivent-elles. Pour cela, des brochures ont été systématiquement remises en français et en ukrainien.
L’une des difficultés : la barrière de la langue
Après avoir effectué le dépistage du COVID-19 et constitué leur dossier administratif pour demander une protection temporaire et bénéficier des droits afférents, ces réfugiés étaient emmenés à l’hôtel avant d’être logés dans une famille d’accueil ou un hébergement plus durable. À chaque arrivée d’un nouveau bus de réfugiés à Châlons, Sillery ou Tinqueux, le même dispositif était mis en place avec la présence des membres permanents de la CUMP 51.
Au départ, 8 volontaires avaient été dépêchés sur place : 4 pour la psychiatrie adulte, 4 pour la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Une mobilisation qui a dû être revue à la baisse par la suite. Première raison : la barrière de la langue. « Très peu de réfugiés parlent français ou anglais. Or, il n’y avait au départ que 2 traducteurs sur place. De ce fait, il nous était difficile de communiquer avec ces Ukrainiens », confient les 2 membres permanents de la CUMP 51. Seconde explication avancée : l’image de la psychiatrie en Ukraine « proche des pratiques asilaires des années 40-50 en France ». « Cela effraie, indique Mélanie Hermand. En nous présentant comme un dispositif de soutien psychologique, nous nous sommes rendu compte que cela passait mieux. » Les cumpistes ont ainsi pu voir quelque 200 personnes.
Une réorientation vers les CMP de secteur
Plus de deux mois et demi après l’arrivée du premier bus, la CUMP 51 reste mobilisée et mobilisable. « Nous assurons le soutien psychiatrique et psychologique de ces personnes en attendant leur relogement vers un hébergement plus durable », soulignent Karine Mintoff et Mélanie Hermand. Dès que le SIAO repère des personnes nécessitant une aide ou reçoit une demande, il contacte aussitôt la CUMP 51 et coordonne sa venue directement dans les lieux d’hébergement temporaire, avec un traducteur. Les membres permanents ont ainsi mené des entretiens avec 6 réfugiés. Un nombre limité. « Beaucoup avaient transité dans des camps de réfugiés via la Pologne. Ils sont partis tout au début du conflit. Ils n’ont donc pas été témoins d’exaction », observe Karine Mintoff. La plupart de ces réfugiés sont également venus en France avec leur animal de compagnie. « Ils y sont très attachés. On voit que cela participe à leur bien-être ».
Dès que ces déplacés intègrent un hébergement plus durable, ils sont alors réorientés, en cas de besoin, vers le centre médico-psychologique (CMP) de leur secteur. « Même si le logement est provisoire, cela reste tout de même le leur, rappelle Karine Mintoff. Cela permet à un couple d’être suivi au même endroit. Et comme ils n’ont pas de moyen de transport, cela facilite également la vie aux familles d’accueil qui, bien souvent, se chargent de les amener. »
Pour l’instant, une dizaine de réfugiés adultes a été réorientée vers le CMP de secteur, 4-5 enfants vers le pôle rémois de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. « Le retour des familles qui ont été suivies s’avère positif, constatent les membres permanents de la CUMP 51. Elles sont contentes d’avoir une médication et d’être soulagées. Elles se sentent considérées. » Au 10 mai 2022, la Marne accueillait 604 déplacés ukrainiens sur les 1 000 annoncés par la Préfecture.